Er ist so dunkel ist so schwarz -bip
Er ist so dunkel ist so schwarz.
Le regard vide, je contemple les gens qui me parlent, me questionnent… Ca fait maintenant deux mois que je n’ai pas parlé. Parfois j’aurais envie de leur répondre, mais les mots ne sortent pas. Mes lèvres demeurent figées, et aucun son ne résonne.
A longueur de journée, je lance des regards d’évasion par la fenêtre, je suis des yeux les feuilles mortes tomber des arbres. Je sais toutefois que jamais plus je ne respirerai cet air frais, que jamais plus je ne ressentirai la pluie vivifier mon front. Je suis enfermé dans une chambre livide et froide, aux murs blancs et au néon crus. La venue des infirmières et ce –bip continu rythment mes journées. Parce que depuis deux mois, je ne vis plus ; je suis mort avec lui.
J’aurais pu le sauver… J’aurais pu entendre ces cris de détresse, j’aurais pu comprendre ses larmes, j’aurais pu être là pour lui. J’aurais pu remarquer qu’il ne mangeait plus, qu’il ne riait plus, que souvent son regard s’absentait.
Et puis un soir, je suis rentré au studio. Un calme pesant régnait. Une lueur faible m’attirait vers le couloir de la salle de bain par son allotement irrégulier
Et puis, à mesure que j’avançais, je reconnaissais le liquide luisant qui étincelait, qui coulait doucement vers moi, sortant de la salle de bain.
Et puis je suis tombé à genou devant le corps menu de mon frère, qui gisait sans vie sur le carrelage froid, au milieu de son propre sang.
Depuis ce soir, la nourriture a perdu sa saveur, la musique a perdu sa mélodieusité, la vie me dégoute, et tout s’est effondré autour de moi.
Dans ce lit depuis deux mois déjà, j’espère tous les soirs que le soleil que je vois se coucher au loin ne se relèvera pas le jour suivant, je prie pour qu’il soit le dernier que je vois.
Un matin, le monde a pu lire dans les journaux, non pas en couverture, mais dans une colonne en bas de page «Jo Halbig est mort hier dans sa chambre d’hôpital. Le médecin a déclaré qu’il s’était ouvert les veines dans sa chambre, à la manière dont son petit frère Fabi l’avait fait deux mois plus tôt. Quel scandale, de s’adonner au suicide ; cela ne se fait pas, et nous n’encourageons personne à suivre ce manque de jugement. »
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